samedi 20 juillet 2013

Littérature #3 - Certaines n'avaient jamais vu la mer (Julie Otsuka)




Certaines n'avaient jamais vu la mer

Julie Otsuka

 

 
Bonjour les curieux! Si vous me lisez depuis un certain temps, vous avez sans doute déjà compris que j'apprécie la littérature asiatique et que le Japon exerce sur moi une certaine fascination. Pourquoi? Honnêtement, je ne sais pas vraiment, mais je pense que ça remonte à l'enfance et à ma découverte de la série de bandes dessinées "Yoko Tsuno" de Roger Leloup. 



Ensuite il y a eu les estampes japonaises de paysages  en cours d'histoire de l'art, surtout les "36 vues du Mont Fuji" d'Hokusai. Et Yoko Ogawa a fini de me convaincre avec "La formule préférée du professeur" et "L'annulaire".


Bref, dès que je tombe sur un livre écrit par un auteur japonais ou d'origine japonaise ou qui traite du Japon de près ou de loin, je ne peux m'empêcher de m'y intéresser. 

Certaines n'avaient jamais vu la mer m'a d'emblée séduit par sa couverture. Oui, ça sert à ça la couverture d'un bon vieux livre papier, à vous séduire de manière superficielle: avant même de savoir quoi que ce soit sur le contenu, la couverture doit vous donner envie de toucher le livre, de le caresser, peut-être, avant de le retourner pour découvrir le quatrième de couverture. Et si en plus le titre vous susurre de belles perspectives, alors, la couverture du livre aura parfaitement rempli son rôle. C'est ce qui s'est passé pour moi. Mais voyons plutôt si elle vous fait le même effet...



Vient ensuite le quatrième de couverture. Le pitch, comme on dit. Je vous le livre ici en entier, non par paresse, mais parce qu'il est à l'image du contenu du livre, il y a de la poésie dans ces mots-là.


L'écriture de Julie Otsuka est puissante, poétique, incantatoire.

Les voix sont nombreuses et passionnées.

La musique sublime, entêtante et douloureuse.

Les visages, les voix, les images, les vies que l'auteur décrit sont ceux de ces Japonaises qui ont quitté leur pays au début du xxe siècle pour épouser aux Etats-Unis un homme qu'elles n'ont pas choisi.

C'est après une éprouvante traversée de l'océan Pacifique qu'elles rencontrent pour la première fois celui pour lequel elles ont tout abandonné. Celui dont elles ont tant rêvé. Celui qui va tant les décevoir.

A la façon d'un choeur antique, leurs voix se lèvent et racontent leur misérable vie d'exilées...leur nuit de noces, souvent brutale, leurs rudes journées de travail, leur combat pour apprivoiser une langue inconnue, l'humiliation venue des Blancs, le rejet par leur progéniture de leur patrimoine et de leur histoire... Une véritable clameur jusqu'au silence de la guerre. Et l'oubli.



Photo Robert BESSOIR
Je ne connaissais pas du tout Julie Otsuka ce qui m'a donné l'occasion de googler allègrement. Julie Otsuka est un auteur américain d'origine japonaise. Elle est née en 1962 en Californie et vit aujourd'hui à New York. Ancienne artiste peintre, elle a étudié l'art à l'université de Yale. Grande lectrice, elle est venue à l'écriture pour le plaisir. Elle dit se documenter énormément et prendre tout le temps nécessaire à la maturation, à l'écriture et à la réécriture de ses manuscrits. Et de fait, elle a mis 6 ans pour écrire son premier roman (Quand l'empereur était un dieu) et 8 ans pour celui-ci.

Certaines n'avaient jamais vu la mer est donc son deuxième roman, salué par la critique, il a reçu le prix Fémina. Le point fort de l'ouvrage est sans conteste son aspect poétique et le fait qu'il soit écrit à la 1e personne du pluriel, ce qui donne un écho très particulier au récit. Les âmes de toutes ces exilées japonaises arrivent jusqu'à nous et nous transpercent à travers l'écho des mots qui résonne encore et encore au fil des pages. Julie Otsuka justifie ce choix notamment parce que "le Japon est une société où le collectif prime sur l'individuel, (où) il faut se fondre dans le groupe".

Personnellement, j'ai aussi été fort intéressée et intriguée par cet épisode peu connu de l'histoire. Je me rends compte d'ailleurs, au fil de mes lectures, que j'aime tout particulièrement ces histoires d'exil, de déracinement et de difficultés d'intégration.. Même si elles ne font que servir de toile de fond comme dans "Les amants papillons" d'Alison Wong. 

L'auteur nous conte le quotidien de ces femmes en y mettant juste ce qu'il faut de détails, ni trop, ni trop peu, pour nous permettre de visualiser, de ressentir sans nous encombrer. Extrait.

L'une des nôtres les rendait responsables de tout et souhaitait qu'ils meurent. L'une des nôtres les rendait responsables de tout et souhaitait mourir. D'autres apprenaient à vivre sans penser à eux. Nous nous jetions à corps perdu dans le travail, obsédées par l'idée d'arracher une mauvaise herbe de plus. Nous avions rangé nos miroirs. Cessé de nous peigner. Nous oubliions de nous maquiller. ... Nous étions glacées à l'intérieur et notre coeur n'a toujours pas dégelé .. Nous étions devenues maigres. Nous ne saignions plus chaque mois. Nous ne rêvions plus. N'avions plus envie. Nous travaillions, c'est tout. .... Mais ce n'était pas nous qui cuisinions, lavions, maniions la hache, c'était une autre. Et la plupart du temps nos maris ne s'apercevaient même pas que nous avions disparu.

Vous aurez compris que ce livre m'a beaucoup touchée et intéressée jusqu'à la dernière ligne. Je vous invite donc à le lire si ce n'est déjà fait et à me donner votre avis si vous l'avez lu!

Certaines n'avaient jamais vu la mer de Julie Otsuka, traduit par Carine Chichereau

Merci de m'avoir lue et que votre weekend soit doux!



Ness Butterfly
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2 commentaires :

  1. Je ne connaissais pas du tout ce livre, mais il m'intrigue beaucoup : tu me donnes réellement envie de le lire, il a l'air passionnant. Il faut absolument que je l'achète dans les semaines à suivre!

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    Réponses
    1. Bonjour Eleanor,

      Un grand merci pour ton commentaire qui me va droit au coeur :)
      Si effectivement tu l'achètes et le lis, n'hésite pas à revenir vers moi pour qu'on en parle, ici ou sur ma page Facebook.

      A bientôt j'espère!

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